Extinction d’un droit d’habitation en cas de perte de son utilité

En juin 2024, une propriétaire fribourgeoise défendue par Me Elodie Surchat a obtenu une décision favorable du Tribunal de la Sarine concernant la radiation d’un droit d’habitation viager dont elle avait fait bénéficier gratuitement son ex-compagnon sur toute sa maison. Au moment de l’inscription de ce droit d’habitation, au début des années 2000, le notaire ayant rédigé l’acte n’avait malheureusement pas discuté des conséquences d’une séparation des parties avec elles et aucune clause ne prévoyait la fin du droit d’habitation en cas de séparation.

Or, après de nombreuses années de vie commune, les parties se sont séparées et la propriétaire est restée dans sa maison. Durant les 5 années qui ont suivi la séparation, l’ex-compagnon n’a jamais rien réclamé en lien avec ce droit d’habitation, qui était toujours inscrit au Registre foncier. Ce n’est que lorsque la propriétaire lui a formellement demandé son accord pour faire radier ledit droit qu’il a flairé une potentielle occasion de se faire de l’argent. Il a donc refusé la radiation, contraignant ainsi la cliente de Me Elodie Surchat à ouvrir une action judiciaire pour faire constater, en premier lieu, que le droit d’habitation s’était éteint en raison de la séparation des parties et, subsidiairement, qu’il devait être radié gratuitement.

Dans une décision largement argumentée, le Tribunal de la Sarine a rappelé que le droit d’habitation devait être constitué par acte authentique et que si les parties souhaitaient limiter la durée de ce droit, elles devaient le faire dans l’acte authentique. En principe, le non-exercice du droit ne conduit pas à la fin du droit d’habitation, sauf s’il résulte d’une impossibilité définitive d’habiter l’objet du droit. Il permet cependant parfois de conclure à la renonciation au droit, si les actes concluants du bénéficiaire permettent de déduire clairement cette volonté. Finalement, le non-usage volontaire d’une servitude peut aussi constituer un indice de la perte d’utilité et donc de l’extinction du droit.

« Un droit d’habitation n’est pas gravé dans le marbre et peut s’éteindre de par la loi lorsqu’il a définitivement perdu l’utilité pour laquelle il avait été constitué. »

L’utilité de la servitude s’apprécie selon son contenu et son étendue et en fonction du but pour lequel elle a été constituée. Selon la doctrine, la propriétaire peut exiger la radiation de la servitude lorsque le bénéficiaire a définitivement quitter le logement et n’entend pas consentir à la radiation de son droit pour nuire à la propriétaire ou pour maintenir une réserve de logement. Ainsi, la libération de la servitude devrait au moins être reconnue à l’égard du conjoint titulaire d’un droit d’habitation qui a quitté le logement, lorsqu’un retour n’entre pas en considération.

Le cas concret remplissait bien ces conditions puisque la propriétaire avait constitué le droit d’habitation en faveur de son compagnon pour préserver ses intérêts en cas de prédécès, alors qu’ils partageaient leur vie. Le Tribunal a encore constaté que le notaire de l’époque n’avait pas respecté son obligation de renseigner les parties, dès lors qu’il ne les avait pas correctement informé ni attiré leur attention sur les conséquences de leur acte, de sorte qu’elles n’étaient pas en mesure d’apprécier la portée de leurs engagements.

Ainsi, le Tribunal de la Sarine a admis la demande de la propriétaire et a constaté l’extinction du droit d’habitation, ordonnant sa radiation sans indemnité pour le bénéficiaire.

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Droit des propriétaires initiant un plan d’aménagement de détail d’obtenir une décision au fond